Comment faciliter l’employabilité des doctorants ? Le dispositif Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) rapproche doctorant, entreprise et laboratoire. Explications et témoignages.
« 6 % des doctorants de l’Université de Strasbourg sont capables de citer une PME qui pourrait les intéresser. 14 % sont capables de citer une fonction précise dans ces différentes structures. 15 % des PME alsaciennes contactées sont capables de citer le nom d’un universitaire qu’elles connaissent et qui est susceptible de les aider… » Dans l’Allemagne voisine, ce dernier chiffre est de 95 %. Dans une étude sur l’emploi des docteurs à l’Université de Strasbourg, commandée par la présidence de l’université et publiée en 2019, Yves Rémond, professeur à l’École de chimie et chargé de mission pour l’emploi des doctorants, dresse un constat assez alarmant de la professionnalisation des doctorants : leur distance « avec la réalité du monde économique est très importante en France […] Ce devrait être un chantier majeur des universités pour améliorer l’employabilité des étudiants et doctorants. »
Or une solution existe : elle s’appelle Cifre, comme Convention industrielle de formation par la recherche. Créées en 1981, les Cifre permettent de relier ensemble les trois pointes d’un même triangle : un salarié doctorant, une structure socio-économique et un laboratoire. Par la convention, le doctorant est recruté par une entreprise, une collectivité territoriale, une association pour une durée de trois ans. Durant cette période, il est inscrit en formation doctorale et encadré par un laboratoire académique, lequel signe avec la structure économique un contrat de collaboration.
Il faut convaincre les directeurs de laboratoires et les doctorants qui ne connaissent pas le dispositif, mais aussi les PME.
Les avantages sautent aux yeux : expérience, travail de recherche, biculture et employabilité (90 % de recrutements dans les six mois) pour le doctorant ; rapprochement des laboratoires avec les entreprises et opportunités de tester leurs approches fondamentales face à des questions concrètes, accès à des compétences humaines et scientifiques pour les entreprises. Or, quand en France 10 % des thèses sont financées grâce à ces conventions, à l’Unistra la proportion est seulement de 3,4 %. Depuis leur création, en 1981, 2 307 Cifre ont été signées, principalement dans les domaines de la chimie et des sciences physiques. Yves Rémond a une explication : « Strasbourg est une université fondamentale de haut niveau. Les doctorants y rencontrent sans doute moins de difficultés qu’ailleurs pour financer leur thèse. » Pour autant il ne s’en satisfait pas : « Les Cifre sont un outil idéal pour rapprocher la recherche des milieux économiques. »
Il faut donc convaincre les trois pointes du triangle : les directeurs de laboratoires et les doctorants qui ne connaissent pas le dispositif, mais aussi les PME. Car si les grands groupes font appel régulièrement aux Cifre, les entreprises plus petites sont souvent désemparées face à la complexité universitaire.
Pauline Blanc est doctorante en première année à l’École doctorale sciences humaines et sociales et perspectives européennes, à laquelle est rattaché le laboratoire Sport et sciences sociales. Dans le même temps, elle est chargée d’études au service Santé et autonomie de la Ville de Strasbourg. La convention Cifre entre les trois parties a été signée le 1er avril 2019 pour une durée de trois ans.
« Dans la cadre de mon master 2 en droit des collectivités territoriales j’avais déjà fait un stage au cabinet du maire de Strasbourg sur le thème du sport et de la santé. Par la suite, j’ai passé un nouveau master 2 en Politique sportive et aménagement du territoire et, cette fois, dans le cadre d’un stage Idex, j’ai participé à l’élaboration du projet de Maison Sport Santé. Cela m’a confirmée dans mon envie de préparer une thèse sur le domaine sport et santé et plus précisément sur la prévention des maladies chroniques par l’activité sportive en partant de l’exemple strasbourgeois.
Grâce à la Cifre, je prépare ma thèse, tout en emmagasinant une très forte expérience de terrain : j’arrive le matin dans un bureau équipé, je participe à la vie de la collectivité et aux réunions de travail. Je collabore activement au projet de la Maison Sport Santé en cours d’installation dans la future aile médicale de la piscine de la Victoire rénovée et j’acquiers une incomparable expérience professionnelle. Plus tard, j’aimerais intégrer une collectivité territoriale ou une association dédiée afin de travailler sur des projets sport santé. »