Le point avec Frédérique Berrod, professeure spécialisée en droit de l’Union européenne à l’IEP de Strasbourg et au Collège d’Europe de Bruges, directrice de la Fédération de recherche L'Europe en mutation.
Il n’y a aucune raison que les fonds européens soient utilisés par les universités d’un Etat tiers.
Non. En principe, comme le Royaume-Uni se retire de l’Union européenne, logiquement, Erasmus et les programmes européens de recherche s’arrêtent. Le Royaume-Uni va devenir un Etat tiers, ce qui correspond au scénario du Brexit dur. Ces questions sont appelées à être négociées, notamment pour le programme Erasmus, et surtout au niveau de la recherche. Mais dans ce domaine, le statut quo est impossible. Il n’y a en effet, aucune raison que les fonds européens soient utilisés par les universités d’un Etat tiers. Les enjeux financiers se posent déjà aujourd’hui : les universités britanniques qui ont reçu des subventions européennes doivent-elles rembourser l’argent ? Pour l’instant, les conséquences du Brexit ont été calculées jusqu’en 2019, mais de nombreux projets de recherche courent sur une durée plus longue.
Oui mais la Norvège a conclu un accord spécifique : celui de l’Espace économique européen (EEE). Cet accord lui donne accès au marché intérieur de l’Union européenne, mais à condition d’accepter la libre circulation des biens, des services et surtout des personnes (donc des étudiants). Et c’est précisément ce dernier point que refuse le Royaume-Uni, qui veut reprendre le contrôle de ses flux migratoires. L’autre problème du statut de la Norvège est qu’il implique d’accepter toutes les décisions de l’Union européenne sans pouvoir peser sur l’écriture des textes. Il n'est certain que ce statut soit si privilégié…
Certes, mais la question des universités passera après les grands dossiers prioritaires que sont les banques, l’accès au marché intérieur en matière de services, d’importations, l’accueil des réfugiés… Les universités doivent se positionner, peut-être également la Ligue européenne des universités de recherche, pour faire de ces enjeux des priorités de la négociation. Il existe en effet des recherches prioritaires qu'il faut maintenir, en dehors des turbulences politiques. Le Royaume-Uni pourrait être tenté de négocier avec chacun des États qui restent dans l'Union, pour retrouver de la force de négociation. Mais l'UE a demandé aux États membres de ne pas s'engager dans de tels accords bilatéraux.
Le Brexit contribuera probablement à redistribuer les cartes
Le Brexit fera peut-être bouger certaines alliances et contribuera probablement à redistribuer les cartes. Les universités britanniques à la tête d’un consortium de recherche européen devront céder leur place à un autre leadership. Actuellement, les universités britanniques sont leaders de nombreux consortium. Le Brexit ne remettra pas en cause la suprématie des grandes universités britanniques, mais elles risquent de perdre beaucoup en termes de finances et de légitimité.
Propos recueillis par Julie Giorgi
Le processus de divorce entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est enclenché depuis le 29 mars dernier. Cet acte ouvre le début d’une période de négociations de deux ans. En fonction des accords trouvés ou non, les conséquences seront nombreuses, notamment sur le paysage universitaire européen.