mai 2018

Belle II, une collaboration d’envergure pour comprendre l’infiniment petit

La France est devenue, en octobre 2017, le vingt-quatrième pays de la collaboration internationale Belle II grâce aux travaux d’Isabelle Ripp-Baudot, chercheuse en physique des particules à l’Institut pluridisciplinaire Hubert-Curien (IPHC)1, et de son équipe.

De gauche à droite : Isabelle Ripp-Baudot, Mathieu Goffe, Sviatoslav Bilokin, Jérôme Baudot et Reem Rashee.
De gauche à droite : Isabelle Ripp-Baudot, Mathieu Goffe, Sviatoslav Bilokin, Jérôme Baudot et Reem Rashee.

Décrire l’infiniment petit est contre-intuitif : rien ne ressemble à ce que notre oeil connait et aucune comparaison n’est possible. C’est pourtant le pari ambitieux d’Isabelle Ripp-Baudot. Grâce notamment au soutien de l’Initiative d’Excellence (IdEx) de l’Université de Strasbourg, la chercheuse se rend au Japon trois à quatre fois par an pour contribuer au développement du détecteur Belle II.

Près de 700 scientifiques issus de 25 pays prennent part à l’expérience.


Cet appareil permettra d’étudier le produit des collisions entre de toutes petites particules, les électrons, et leurs antiparticules, les positrons. « Pour comprendre la violation de la symétrie entre les particules et les antiparticules, nous avons équipé Belle II de plusieurs couches concentriques, décrit la physicienne. Chaque couche de détection a été conçue et construite par un autre pays et permet la mesure de différents paramètres : la nature des particules générées par la collision, leur énergie ou encore leur trajectoire. » Seul, un pays ne pourrait faire face à la réalisation d’un équipement aussi.
Près de 700 scientifiques issus de 25 pays1 prennent part à l’expérience. Pour faciliter les échanges, diverses instances de gouvernance ont été mises en place mais la gestion d’une si grande communauté n’est pas la seule difficulté.

Des capteurs légers, transparents et résistants

L’infime occurrence des manifestations quantiques ou l’intensité lumineuse atteinte lors des collisions en sont d’autres. « Il a fallu mettre en place des capteurs très légers et transparents pour ne pas perturber le passage de la particule et aussi capables de tenir le coup face au niveau de radiation », explique la chercheuse. L’équipe d’Isabelle Ripp-Baudot a pu, grâce au soutien de l’IdEx, acheter les composants pour démarrer la conception d’un tel capteur. « Notre appareil a commencé à enregistrer des données en mars, ajoute-t-elle, une étape cruciale qui permet de vérifier le bon fonctionnement de tout le dispositif avant de pouvoir chercher des signes de nouvelle physique d'ici quelques mois. »

Une fois l’installation vérifiée, les chercheurs débuteront la prise de mesures : plusieurs centaines de milliards de collisions à étudier sont prévues sur les dix prochaines années. En multipliant ainsi le nombre d’impacts, les membres de la collaboration internationale espèrent recueillir un grand nombre de données afin d’améliorer la finesse de leurs analyses statistiques et de mieux comprendre les phénomènes quantiques rares et ténus qui régissent le monde de l’infiniment petit.

UMR 7178 CNRS/Université de Strasbourg

Israël est le 25e pays de la collaboration Belle II.

Capteurs CMOS : le succès d’un dérivé

Le capteur CMOS adapté à la détection des particules.

Dès 1999, une équipe de chercheurs et d'ingénieurs de l’IPHC a détourné les capteurs CMOS présents dans les appareils photo et les smartphones pour les adapter à la détection de particules chargées. Ils continuent à les développer pour les rendre toujours plus sensibles, petits et rapides et avec une résolution améliorée. Ces capteurs sont aujourd’hui largement utilisés en physique des particules partout dans le monde. La médaille de cristal 2018 du CNRS a d'ailleurs récompensé Christine Hu, ingénieure de l'IPHC pour ses travaux.

Mathilde Hubert